Colatura di alici di Cetara, le coulis d’anchois

Colatura di alici di Cetara, le coulis d'anchois
Colatura di alici di Cetara, le coulis d’anchois
C’est dans un petit village de pêcheur sur la côte Amalfitaine que se fabrique de manière totalement artisanale et à l’ancienne ce liquide ambré et plein de caractère qu’est la colatura di alici di Cetara (littéralement coulure d’anchois). Un produit, un extrait intense, né pour ne rien jeter et qui a fini par devenir plus précieux que les anchois mêmes :-). 
Désormais il est produit comme d’antan artisanalement uniquement à Cetara, ce qui explique aussi son côté rare.
Aujourd’hui je vous raconte tout sur la colatura di alici (origines, fabrication) et vous donne des conseils sur comment l’utiliser (idées recettes). Et la prochaine fois une recette avec 🙂
Je l’ai découverte il y a quelques années grâce à une amie napolitaine qui m’en a offert une petite bouteille. Je suis tout de suite tombée sous le charme et d’ailleurs je vous en ai parlé à propos de ce velouté de pommes de terre et colatura di alici. Pour moi, c’est la touche subtile de méditerranée, de la mer, du temps qui passe. C’est quelque part plus fort mais aussi plus parfumé que le poisson. D’ailleurs on l’utilise par petite touches finales.
J’aime ces petits trésors qui perdurent, ces femmes et ces hommes qui décident de continuer la tradition, par passion, par habitude, indépendamment de tout ce qui se passe autour. C’est grâce à eux qu’aujourd’hui nous avons encore de beaux produits anciens précieux.
ORIGINES et DIFFÉRENCES AVEC LE GARUM

La colatura di alici di Cetaracomme le pissalat ou le nuoc-mâm ont comme ancêtre le célèbre garum romain dont je vous ai parlé à propos de ces linguine au garum, aux olives et aux câpres (très bonnes !)

Le principe est celui de la fermentation du poisson avec du sel. L’habitude de saler les anchois dans des barriques pour les conserver est très ancienne et traverse toute la Méditerranée.
Dans le garum, il s’agissait plutôt d’une sauce épasse à base d’abats de poisson comme le maquereau, le thon et les sardines, qui était ensuite bien assaisonnée notamment avec des herbes… et vendu à prix d’or. Le pissalat (oui celui de la pissaladière) est semblable. Une sorte de pâte donc, très goûteuse qui à défaut est remplacée par de la pâte d’anchois.
La colatura di alici est quelque part une évolution et un raffinement du principe. Il semblerait que  préparation de la colatura ait vu le jour au Moyen-âge dans un monastère à Cetara. 
Ce qui s’est passé ici, c’est qu’apparemment lors du repos des anchois dans le sel, on s’est aperçu qu’un petit liquide sortait des barriques, au bon parfum même si de caractère. De là, en repensant à cette ancienne sauce des romains qu’est le garum, on eu l’idée de le récupérer, le filtrer et le faire encore macérer. On a donc l’essence du goût du poisson.
De plus Cetara et toute la côte de la Campanie, sont connues pour leurs eaux très ‘pêcheuses’ avec des poissons délicieux. De par son histoire Cetara a toujours vécu de la pêche et notamment des anchois avec une ancienne méthode (que l’on retrouve encore aujourd’hui même en Ligurie), la lampara : on attire les anchois de nuit avec des lampes placée sur des petits bâteaux, puis on les pêche au filet. C’est long, artisanal mais cela garanti une bonne pêche.
D’ailleurs si vous avez l’occasion en Italie de goûter à ces anchois, notamment fraîches, n’hésitez pas.
PROCÉDÉ DE FABRICATION
Pêche des anchois et mise en saumure

Les anchois sont pêchées du printemps jusqu’en été (du 22 mars au 22 juillet :-). On retire la tête, puis on les range dans fûts en bois de chêne ou de châtaignier (qui en principe ne sont plus utilisables pour le vin) les unes à côté des autres et en alternant avec des couches de gros sel.
Le tout est couvert avec un couvercle et un grosse pierre (pour la pression). La macération prend au moins 24 h. Le liquide qui se forme est superficie (sorte de saumure) sera à l’origine de la colatura. 
Première fermentation et repos (affinage)

Ce liquide est récupéré, filtré puis mis dans de grosses bouteilles avec de l’origan et exposé au soleil. Ce procédé permet de donner du parfum mais surtout de concentrer encore plus la saveur et donner ce côté ambré superbe.
Deuxième macération 

Enfin, et là réside toute la particularité et, quelque part, le raffinement, ce liquide plus concentré est reversé sur les anchois au fur et à mesure, du début de l’automne jusqu’en décembre. Cette étape permet au liquide de s’impregner encore des parfums des anchois cette fois-ci affinées depuis plusieurs mois.
Le fût de chêne est ensuite percé par le bas où l’on place des toiles en lin en forme de capuchon pour le filtrer. La colatura est prête. 
Versée dans de précieuses bouteilles elle est ensuite offerte à Noël en signe d’amitié ou bien vendue en épicerie fine 🙂
Ainsi que vous pouvez constater, la colatura s’apparente au nuoc-mâm dite sauce de poisson ;-), des inventions parallèles comme il y en a partout dans le monde et notamment dans la cuisine. 
Toutefois, personnellement je trouve la colatura plus fine. Tout d’abord elle est composée uniquement de saumure d’anchois (pas d’autres ingrédients que l’on trouve souvent dans la sauce Nuoc-mâm) et la saveur est plus subtile.
Après bien sûr il y a Nuoc-mâm et nuoc-mâm (qui varient d’ailleurs selon les pays asiatiques, avec des ajouts de sucre, des épices). Je pense notamment à celle artisanale du Vietnam affinée en fût de bois (et moins à celles industrielles) tout aussi raffinée.
COMMENT L’UTILISER ET LA CONSERVER
Ainsi que vous pouvez l’imaginer c’est une sauce à la fois salée, parfumée et au goût subtil d’anchois. Elle peut quelque part remplacer aussi le sel. En Italie, le grand classique est de la servir avec des spaghetti nature à l’huile d’olive (un peu comme la poutargue 😉 afin de lui faire la part belle.
Mais on l’utilise aussi sur des viandes, d’autres pâtes (pas à la tomate hein) comme dans ces bucatini aux parfums du Sud, dans des soupes….
Je la trouve délicieuse notamment dans des soupes plus douces et neutres comme de légumineuse (par exemple la pasta e fagioli) ou bien un velouté de pommes de terre.
C’est très bon aussi sur des légumes verts juste sautés comme des épinards ou de la scarole
Vous pouvez en rajouter à la fin sur une pizza blanche avec de la mozzarella par exemple.
La colatura se conserve des années dans un endroit sec et à l’abri de la lumière. Une fois ouverte, je vous suggère quand même de la garder au frais pas plus que quelques mois.

19 réflexions au sujet de “Colatura di alici di Cetara, le coulis d’anchois”

  1. Prems! Prems! Ah, et moi qui voulait justement acheter aujourd'hui de la "sauce de poisson", je préfèrerai de loin ce coulis-ci. Je m'y mets. Ai, la Costa Amalfitana … quelle nostalgie…

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    • Bonjour Arthur,
      Parce qu'avec une sauce, on ne la sentira pas beaucoup son parfum (c'est différent et plus subtil que des anchois à l'huile). La tomate a toujours tendance à dominer, un peu comme les pâtes aux vongole par exemple.
      Par contre vous pouvez ajouter quelques tomates fraîches (et même les faire mariner avec de l'huile et la colatura) à des spaghetti nature, ce sera excellent et la colatura aura sa place.

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    • c'est ce que je pensais quand vous parliez de pâtes à la tomate ( dans mon esprit c'était de belles tomates fraiches de mon potager !! hihi) j'adore tellement les anchois
      c'est l'élément umami de la cuisine italienne que j'aime énormément

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    • Je mets des tomates revenues très peu de temps à la poele avec de l'ail, (+ huile d'o et persil + ail cru haché menu que j'ajoute à la fin) malgré tout ça, on la sent très bien, c'est ce que j'aime avec la colatura, elle a une personnalité qui ne se laisse pas écraser.

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  2. Hummmmm!!! ça fait très envie comme d'habitude…..je suis allée sur le site des 4 gourmands et je vais tester.. même si je ne commente pas souvent, à cause du temps je regarde tous les jours les nouvelles publications de facebook et je me régale tout le temps… Merci du temps passé pour nous, car cela nous donne un air de nostagie qui nous fait du bien!!!

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  3. J'en ai acheté cet été dans une épicerie fine italienne du 9ème (près de ND de Lorette). Et j'ai oublié mon achat, pourtant longtemps fantasmé, au fond d'un placard.
    De mémoire ils avaient deux modèles, l'un assez cher, l'autre beaucoup plus cher. Prudente, et sachant pouvoir y revenir sans difficulté, j'ai pris le modèle "modeste".
    Allez des pâtes au débotté ce week-end, merci pour le rappel !
    Les condiments font vraiment tout le sel de la cuisine, et renouvellent l'expérience sur les produits simples. Peut-être qu'ailleurs, dans le bush australien, ou en haut de quelque montagne au Pérou, se cachent encore des trésors méconnus qui agrémenteront demain nos plats.

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  4. Bonjour, C'est le nuoc man italien d'une certaine manière . J'en avais acheté chez Eataly à Milan . Je m'en sers pour parfumé le risotto aux fruits de mer ( entre autre) . Merci pour l'histoire Véronique

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  5. J'ai découvert ce "sirop" au hasard de recherches sur le Nuoc Mam, produit intéressant pour sa forte teneur en umami. Je ne peux désromais plus m'en passer. Il permet de concocter un plat raffiné et aromatique en quelques minutes ! Je reste très traditionnel dans son utilisation : des spagettis de très bonne qualité, additionnées de colatura, d'huile d'olive, d'ail cru en purée, de persil et de tomates cerises coupées en deux, légèrement revenues. Un délice qui se passe de tout autre artifice !

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  6. Ton blog est vraiment source d'inspiration. Je ne vais pas pouvoir résister à commander tout de suite la colatura ET le garum, ET plein d'autres choses sur ce site des 4 Gourmets que je découvre pour la première fois. Hâte de comparer avec mes nuoc mam, et avec le pissalat que j'ai récemment acheté.

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    • Bonjour Patrick,
      Je suis très intéressé par le pissalat. Où en avez-vous trouvé ? Car il me semble que ce produit est aussi difficile à trouver que la colatura ou le garum. Merci beaucoup !

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  7. haha ! comme par hasard j'ai été dans une de mes épiceries préféré hier pour en acheté ! j'aurais posė un peu moins de question bête si j'avais lu ça avant!
    ça faisait longtemps que je voulais m'en acheté depuis que j'ai mangé un plat de spaghetti avec de la colatura (ou du Garum je ne suis plus tout à fait sur maintenant ) il y a quelques temps à Rome!

    Ce produit est une source d'inspiration énorme, c'est vrai que l'anchois de base est un produit que je retrouve de plus en plus souvent dans là cuisine italienne, du coup ce condiment peu vraiment apporté un plus j'imagine! Maintenant que j'ai ma petite bouteille on va s'amuser! Merci beaucoup à toi pour contribuer à mon éducation culinaire c'est toujours un régale de te lire!

    Merci à toi et à très bientôt

    Romain. B

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  8. Mon mari et moi avons visité ce charmant village il y a quelques années et comme nous adorons tout ce qui contient des anchois nous nous sommes régalés de pâtes cuisinées avec ces petits poissons qui font la renommée de Cetara. Magnifique souvenir de la côte Amalfitaine!
    Josephine

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