Jambon de Parme : tout savoir

Jambon de Parme : tout savoir
Jambon de Parme
Aujourd’hui, comme pour le parmesan, suite à mon voyage aux alentours de Parme, je tenais à vous toucher deux mots sur un autre produit d’excellence (autre perle !) italien que j’adorais déjà mais que j’ai redécouvert au coeur de son terroir : le Prosciutto di Parma. Je vous livre donc des informations repères pour pouvoir mieux le connaître et l’apprécier.
Le jambon de Parme est considéré en Italie parmi les meilleurs si pas le meilleur (je vous avais dit qu’en Émilie-Romagne sont concentrés plein de trésors et savoir-faire ;-). Il s’agit d’un jambon cru qui se caractérise par sa forme un peu ronde, sa couleur rosée mais surtout pour son goût très fin, peu salé et doux (dolce). Raffiné et consensuel.
De plus c’est un des seuls jambons (au monde) produits à l’ancienne avec absolument aucun conservateur mais composé uniquement de viande et de sel.
J’ai eu la chance de pouvoir visiter un site de production (à Langhirano plus exactement) avec, comme souvent, un producteur, enthousiaste, passionné, fier et amoureux de ses jambons, qui nous a tout expliqué.
Et par la suite, j’ai pu déguster nombre de jambons de différents affinages et producteurs. Je vous dit juste que le dernier jour de mon périple, nous avons déjeuné au Consortium avec uniquement du jambon et du pain (chose que je n’aurais jamais imaginée pour un repas chez moi). C’était le meilleur de ma vie, je ne vous raconte pas combien j’en ai mangé, tout juste coupé, tout fin, quelle plaisir et quelle merveille !

Un terroir unique, très spécifique
Le jambon de Parme est un produit à la longue histoire, fabriqué encore aujourd’hui selon les anciennes traditions (d’ailleurs on le voit bien quand on visite un prosciuttificio…. il n’y aucune machine que des jambons partout ;-). Bien que les romains avaient déjà développé l’art de saler la viande pour en faire du jambon, celui de Parme existe en ces lieux depuis le XIV siècle et c’est au XVIème siècle qu’on trouve des traces écrites plus précises (dans des poèmes oui oui) sur le Prosciutto di Parma au sens strict, sur son terroir spécifique et son mode de fabrication.
Ce qui m’étonne et me séduit toujours dans ces produits d’exception, est le côté artisanal et, finalement, le petit territoire.
Dans le cas du jambon de Parme, le terroir est extrêmement délimité : dans la province de Parme, au sud, entre deux fleuves : fleuve Enza et le torrent Stirone, en colline jusqu’à 900 m d’altitude. En fait c’est cet emplacement et l’altitude qui offrent un micro-climat idéal (différences thermiques entre la nuit et le jour, vent provenant de la mer, air sec…) pour le séchage du jambon.
Ainsi que vous pouvez l’imaginer, ces conditions de bases sont absolument essentielles pour avoir un produit conforme mais surtout de haute qualité, bien séché et au goût inimitable. Après bien sûr il y a les lieux (la flore ambiante, les bois, l’humidité, la température intérieure) et le savoir-faire de chaque producteur qui entrent en jeu.
Il comprend environ 150 petits producteurs et ces lieux font partie du paysage.
Ce qui frappe en ces lieux de production (prosciuttifici) est la conformation des bâtiments : ils sont tout simples, rectangulaires et plats, souvent grands et hauts avec des longues fenêtres avec des volets, tout en hauteur qui donnent toutes dans la même direction pour pouvoir jouer avec les courants d’air naturels. Comme d’antan, les producteurs en fonction du temps et des vents ouvrent ou ferment les fenêtres pour bien aérer les jambons. D’ailleurs, c’est tellement ancré dans la tradition que la phrase “apri le finestre” (ouvre les fenêtres !) fait partie de leur vie et veut dire quelque chose de bien précis et de positif. Voilà l’bon vent ! (voir plus bas la phase d’affinage).
Jambon de Parme : tout savoir
Jambon de Parme : tout savoir (différentes phases de fabrication : séchage et affinage)
Des conditions strictes et traçabilité tout au long du processus
Comme tous les produits uniques et protégés (AOP), le jambon de Parma est reconnaissable dès le début de son destin.
Le disciplinaire du Consorzio del Prosciutto di Parma est contraignant (là aussi c’est de l’autodiscipline 🙂 couvre toutes les phases et impose une méthode traditionnelle, garantie de la constance et de la grande qualité de ce produit.
Comme je disais plus haut, la grande caractéristique est la proximité dans tout le procédé de production. Les cochons sont locaux  (élevés dans 10 provinces du centre de l’Italie), nourris avec des aliments locaux (maïs, orge et petit lait de parmesan, quel luxe !).
Le cochon est élevé au moins neuf mois et pèse autour de 160 kg
Ils sont tatoués dès leur naissance (on sait leur date, lieu…), ensuite la viande est marquée à l’abattoir et à nouveau quand les cuisses entrent chez le producteur du jambon.
Le jambon est marqué également au début de l’affinage et enfin, après 12 mois, suites aux contrôles rigoureux du Consortium, au feu avec le symbole de la couronne à cinq pointe et l’indication Parma.
Mais venons aux détails de la production.
Fabrication
1. Préparation et salaison
Une fois les cuisses arrivées sur le lieu de production du jambon, elle sont réfrigérées 24h de manière à atteindre 0°C ce qui permet de mieux les préparer (couper) par la suite. Elles ne peuvent faire l’objet d’aucune autre intervention de conservation ni même de congélation.
Les bords de la cuisses sont travaillés (on parle de rifilatura : une partie de la peau et du gras sont retirés) pour donner au jambon sa forme un peu ronde. Sur ce point chaque producteur (d’où la côté artisanal et le savoir-faire de chacun) a sa méthode et retire plus ou moins de gras/peau.
Ainsi que vous pouvez l’imaginer, l’étape de salaison est très délicate. Il faut que la viande soit à la température idéale et pas trop humide pour absorber la juste quantité. On utilise d’abord du gros sel (humide pour pour la partie plus grasse et sec pour la partie maigre, ouverte de la viande) puis on met au repos les cuisses pendant une semaine dans un endroit froid (entre 1 et 4°C) et très humide (80%).
Les jambons sont ensuite repris, le sel superficiel retiré et on sale à nouveau cette fois-ci avec du sel fin. Ils vont reposer autour de 2 semaines toujours dans un endroit frais.
À ce stade, le processus est déjà en marche puisque le sel va pénétrer lentement dans la chair en faisant ressortir l’humidité. Au point que la cuisse commence déjà à perdre du poids.
Le sel superficiel est retiré et la viande va encore reposer dans une salle fraîche et humide (entre 1 et 5°C) de 60 à 80 jours.
On dit que le jambon doit respirer (terme utilisé à plusieurs reprises par le producteur ) c’est à dire quelque part vivre. Il ne faut pas que ce soit trop humide ou trop sec autrement le processus va s’altérer. Là aussi toujours l’éloge de la lenteur, délicatesse et de l’extrême soin que chaque producteur apporte.
Jambon de Parme : tout savoir (origines, fabrication...)
Jambon de Parme : tout savoir (Prosciuttificio)
2. Séchage
Les jambons sont délicatement rincés avec de l’eau tiède puis mis à sécher à la verticale, à la température naturelle, dans des salles spéciales appelées asciugatoi (vous voyez la photo plus haut de droite).
En fonction du climat, de la saison, de la température ambiante externe et interne et de l’humidité on va adapter. S’il fait sec et ventilé et les courants viennent de la mer (les meilleurs comme nous indiquait le producteur) on ouvre les fenêtres (les fameuses hautes fenêtres). Autrement s’il fait chaud et trop humide et notamment les vents proviennent de la plaine (pas bons), on les ferme.
Parfois, selon les circonstances on peut s’aider de ventilateurs à l’ancienne, au plafond (s’il fait très chaud par exemple).
Il y a donc de la part du producteur une adaptation continue et quotidienne, au temps, à la température, l’humidité afin de permettre aux jambons de sécher de manière très très graduelle et naturelle.
D’ailleurs, dans le lieu que j’ai visité, le producteur pendant les différentes phases change aussi de salles pour ses jambons (toujours cette histoire de température et d’humidité) et elles ont toute une certaine hauteur sous-plafond non utiliser pour faire circuler l’ail et “respirer” les jambons
3. La protection avant affinage (sugnatura)
Vous pouvez constater sur les deux photos plus haut qu’à droite les jambons sont “nus” (phase de séchage) et qu’à gauche, la partie de chair est recouverte par une substance grise qui n’est rien d’autre que du saindoux salé, parfois avec du poivre et un peu de farine de riz.
Cette phase de “protection” de la viande découverte qui a sécher s’appelle sugnatura (sugna signifie saindoux, graisse de porc dans nombre de régions d’Italie). Ce geste très important pour la suite est remis au savoir-faire du producteur : la couche doit avoir une certaines épaisseur mais pas trop non plus car le jambon doit continuer à vivre et respirer même avec elle 😉
4. Affinage
Ce n’est qu’au 7ème mois que le jambon est transféré en bas, dans les caves pour être affiné. Là aussi, notre producteur en utilisait deux : début d’affinage et fin de l’affinage.
Ce qui frappe en rentrant dans ces endroits très bruts, nets (où il n’y que du jambon) est le parfum. Déjà dans la cave du début de l’affinage on commence à sentir des arômes assez doux très agréables et dans la deuxième cave là c’est l’explosion de parfums de bon jambon (enivrant si si). Je ne pensais pas qu’il était possible de sentir déjà tout ça à la simple odeur.
Chaque jambon est toujours à la verticale et repose pendant donc au moins 5 mois (pour faire 12 mois en tout donc quand arrive le contrôle du Consortium) des fois même plus selon les producteurs (on peut arriver à 20 mois voire plus), retourné régulièrement et dans un cadre vraiment spécifique.
Comme dans nombres de produits affinés, il s’agit donc de caves pour le taux d’humidité mais en plus ici l’eau de la rivière passe juste en dessus apportant encore de la bonne humidité.
Les matériaux aussi contribuent : le sol est en terre cuite, poreuse donc et ancienne car elle est emprise de toute la bonne flore des affinages précédents (d’ailleurs le remplacer pose toujours problème). Et puis il y a le bois où sont pendus les jambons : il s’agit de bois de cèdre vieux et imprégné (surtout) de la bonne flore, secret de l’affinage.
Il y règne donc une sorte de micro-climat et de flore  précieuse (qui change d’ailleurs de producteur en producteur) qui chouchoutent le jambon jusqu’à ce qu’il soit prêt.
Savez-vous pourquoi on affine traditionnellement au moins 12 mois le jambon cru ? Je l’ai découvert là-bas mais aussi au travers des récits des tantes de mon mari (qui ont plus de 80 ans) qui ont passé leur enfance dans un petit village de montagne. En fait quand on tuait le cochon, il s’agissait le plus souvent de la seule source de protéines animales et de gras d’ailleurs… qui devait durer toute l’année. On entamait d’abord les morceaux les plus fragiles et frais (comme les abats par exemple), puis les autres morceaux de viande et on mettant à affiner le ventre (pancetta, lardons), la joue et la bajoue (guanciale) et le cuisses pour le jambon. C’est c’est dernières qui se conservaient le plus longtemps, jusqu’à l’année suivante justement. La nature fait bien les choses et le savoir-faire l’accompagne parfaitement.
Et la prochaine fois, je vous proposerai plusieurs recettes avec ce délicieux jambon.
Enfin, je tenais à remercier mille fois le Consortium du Prosciutto di Parma, ItalGroup Fabrice, Chiara et Elke pour l’invitation, la bonne, humeur, les informations précieuses, la disponibilité et leur générosité.

8 réflexions au sujet de “Jambon de Parme : tout savoir”

  1. Merci encore Edda pour ce nouveau reportage très instructif avec une superbe photo qui donne l'eau à la bouche : l'alignement de tous ces jambons !
    Bon là si tu ne sors une recette de dessert, je te tire mon chapeau. Le parmesan ce n'était déjà pas simple mais là…

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    • l'alignement des jambons me donne maintenant la nausée, quand je pense aux animaux qui ont été massacrés pour cela. J'adore, du moins j'adorais cela avant (enfin la charcuterie avec grande parcimonie, étant pourtant Lorrain) mais quand ma conscience s'est enfin réveillé, le voile de notre dédain faussement justifié de carnivore est tombé.
      La cuisine italienne regorge pourtant de merveilles végétariennes, qui sont des bijoux de goût, de simplicité et d'équilibre.
      Merci pour cela également

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