Baccalà mantecato, la brandade vénitienne

Baccalà mantecato, la brandade vénitienne
Baccalà mantecato, la brandade vénitienne
Le baccalà mantecato, une crème de morue typique de la Vénétie (et cousine de la brandade 😉 est une vraie institution. Une de ces préparations ancestrales, qui remontent très loin avec trois fois rien et qui sont devenues les symboles des apéritifs notamment à Venise. Différente de la brandade de morue parmentière que je vous ai déjà proposée (et qui est délicieuse !).
Elle a une texture un peu crémeuse (même si l’aspect ne le laisse pas prévoir), aérienne, très agréable en bouche.
Une recette ultra simple, rapide (à part le repos) et qui ensoleillera vos apéritifs.
Ici je vous donne la version de Venise très pure et qui, en principe, devrait se réaliser à la main dans un récipient spécial (haut et serré) avec un mortier. Mais bon les nouveaux ustensiles nous aident beaucoup.

De plus il faudrait utiliser du stoccafisso (on en trouve facilement en Italie) qui est en fait toujours du merlan ou cabillaud de conserve mais séché et un peu salé et non pas conservé uniquement dans le sel comme la morue que nous connaissons (le baccalà italien). Et à Venise, le stoccafisso on l’appelle baccalà… en cherchez pas à comprendre.
L’histoire de l’arrivée de la morue, ce poisson conservé et du Grand Nord, notamment en Méditerranée, est fascinante.
Il semblerait qu’on l’ait découverte grâce à un naufrage de deux vénitiens Pietro Guerini et Cristoforo Fioravanti, en 1431. Naufragés à Röst, dans les îles Lofoten, en Norvège, sauvés par des pêcheurs autochtones, ils rapportèrent celle belle découverte ensuite à Venise. La découverte de la morue séchée s’est ensuite répandue au Sud de l’Europe (et puis dans certaines îles, anciennes colonies mais ça c’est beaucoup plus tard). Sa grande capacité de conservation, l’Église et les contraintes de manger “maigre” ont aussi contribué à son succès.
Dans un de mes voyages en Sicile, notamment dans les marais salants de Trapani, on nous avait expliqué justement que les siciliens échangeaient beaucoup avec les fameux Vikings (du moins on les appelle encore ainsi) car ils avaient besoin de sel pour conserver leur poisson. Ils arrivaient de très loin donc avec leur grands bateaux pour se charger en sel. Même histoire avec la brandade de Nîmes.
Le grand Nord et le grand Sud qui s’associent pour toujours.
Et désormais la morue fait vraiment partie de la cuisine italienne de toutes les régions, le poisson de conserve par excellence cuisiné comme du frais… alors que c’est bien une péninsule entourée de mer (mais on pourrait dire la même chose pour le Portugal par exemple).
À chaque fois que je la prépare je me dis que je devrais en faire plus souvent et surtout utiliser plus la morue, c’est si bon !
Baccalà mantecato, la brandade italienne
Baccalà mantecato, la brandade italienne
Baccalà mantecato, la brandade de morue comme à Venise (pour 4 à 6 personnes)
  • 500 g de morue dessalée ou 260 g environ de morue salée (à tremper dans l’eau froide 24 à 48h en changeant régulièrement l’eau : plusieurs bains)
  • 12 cl d’huile d’olive vierge extra, de qualité et délicate
  • 2 petites gousses d’ail
  • poivre
  • quelques feuilles de persil plat (facultatif)
  • une feuille de laurier (facultatif mais c’est mieux avec)
1. Mettre la morue dans une grande casserole d’eau froide avec le laurier et l’ail puis porter à frémissement et laisser cuire 5 minutes environ en écumant (en gros il faut éteindre peu après que la mousse se soit formée). Laisser tiédir dans l’eau puis égoutter avec l’ail (le garder pour l’étape suivante).
2. Émietter le poisson avec une fourchette en retirant la peau et les arrêtes. Placer les miettes dans un bol assez haut (ou même un grand blender, voir mes notes*) avec l’ail. Commencer à fouetter et verser en filet peu à peu l’huile d’olive en ayant soin de n’en rajouter que lorsque la quantité précédente a été absorbée. Il faut travailler un peu comme une mayonnaise et le poisson doit s’imprégner, prendre du volume.
S’arrêter quand le tout est crémeux et a presque doublé de volume. Ajouter le persil émincé, poivrer et garder au frais, recouvert de film alimentaire au moins une heure.
Servir à température ambiante avec du pain, de la polenta (voir le principe de la pizza de polenta), des crackers… Avec un peu de jus de citron c’est encore meilleur.
Conseils :
Conservation : le baccalà mantecato se conserve bien deux à trois jours au frais recouvert de film alimentaire au contact. Je vous conseille de toujours le faire reposer un peu avant de déguster (quelques heures) et de le sortir 30 minutes avant de servir.
Versions : il existe de multiples versions tant en Vénitie (à Vicenza par exemple il y a du lait) que dans d’autres pays comme la France par exemple (la fameuse brandade parmentière ou pas, comme celle de Nîmes ou du Pays Basque). Ici vous avez la plus ‘pure’ et simple qui est celle de Venise avec uniquement de l’huile. Dans d’autres villes ou familles on utilise aussi du lait pour faire cuire le poisson ou dans le poisson mais jamais de crème.
Proportions : il faut compter environ 1/4 de quantité d’huile par rapport au poisson. J’en ai mis un peu moins en m’adaptant à la texture et au goût mais ne diminuez pas encore, vous n’aurez pas la même chose. Pour une version un peu plus légère (mais plus Vénitienne) vous pouvez remplacer l’huile par un peu de crème ou même du lait (1/4 environ). Cela étant dit on en mange en petites quantités donc un peu dommage de se priver de ce bon goût.
– *Fouet ou mixeur ? En principe, elle est préparée à la main dans un récipient haut et serré avec un mortier. Cela demande de la patience et de l’huile de coude mais il est vrai qu’au final la texture (si on le tour de main) est superbe. J’ai tentée de la reproduire avec le fouet qui permet d’incorporer de l’ail et de bien contrôler l’absorption de l’huile (qui est tout le secret). Cela étant dit ça marche aussi dans le bol du mixeur, toujours en mixant et en versant l’huile très doucement par petits filets. Vous pouvez aussi utiliser un mixeur plongeant avec son bol haut. Dans ce cas, il conviendra de soulever le mixeur de temps à autre (comme dans cette mayonnaise express) de manière à incorporer un peu d’air.
Ail et sel : en principe comme nombre de préparations anciennes (selon les goûts et pour des raisons de conservation) on utilise de l’ail cru et en plus ou moins grande quantité que l’on ajoute au poisson émietté avant de fouetter. Ici j’ai souhaité garder une saveur subtile mais plus de douceur en cuisant l’ail avec le poisson. Mais à vous de voir et de choisir. Pour ce qui est du sel, je n’en ai pas mis mais cela dépend énormément du poisson (goûtez) et du temps de repos dans l’eau. Si vous achetez de la morue déjà dessalée (surgelée ou même au rayon frais) il se peut que ce soit peu salé.

18 réflexions au sujet de “Baccalà mantecato, la brandade vénitienne”

  1. Bonjour

    Merci d'abord pour votre très beau site et ces recettes , j'ai appris avec vous une multitude de choses et de tours de mains mais j'ai aussi up daté ma culture G avec l'Histoire autour des recettes.

    Un vrai plus qui permet de mixer technique, gourmandise et culture

    Merci pour cette belle recette du jour, je reviens de Venise et la cuisine vénitienne est un vrai bonheur, délicate, pleine d'inspiration et d'influences

    Le marché du Rialto est un plaisir pour les yeux.

    N'hésitez pas à republier si vous le pouvez sur la cuisine vénitienne

    D'ailleurs connaissez-vous un bon ouvrage sur cette cuisine et son histoire ?

    Bonne journée

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    • Mille merci Lili pour le beau message !!!
      Pour les ouvrages (uniquement des recettes, sur l'histoire je n'en ai pas en tête maintenant) vous avez La cucina di Venezia e della Laguna (récent dont j'ai parlé) de Maria Teresa De Marco, en italien. Et en français, vous avez Venise : les recettes cultes de Laura Zavan.
      Bonne journée et à bientôt

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  2. bonjour,
    vos recettes font rêver et plongées dans le contexte ont un supplément d'âme
    merci beaucoup
    une simple question vous parlez de 500g de morue dessalée ou de 260 de morue salée, pourquoi un tel écart ?
    Peut-on trouver chez nous cette morue séchée stoccafisso dont vous parlez
    Continuez à nous faire voyager dans l'histoire et dans les lieux avec vos superbes recettes
    Patrick

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  3. Bonjour,
    La ou les gousses d'ail doivent-elles figurer dans la première phase, c'est-à-dire dans l'eau ?
    Merci.
    Bonne journée.
    Marie

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  4. Merci pour toutes ces recettes qui illuminent toujours notre quotidien, et replace notre travail à sa juste valeur…..la cuisine de chaque jour est un vrai bonheur donné et reçu ! Donc partagé ! Ça fait 3 bonheurs simples comme un poème de Paul Fort ou de Prévert. Merci Edda pour tout ÇA !

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    • Merci à vous Anna, je suis touchée, c'est très beauc ce que vous dites et je le partage complètement… Des fois le bonheur est vraiment dans les petites choses et avec les autres.

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  5. Bonjour Edda, j'ai un problème. J'ai acheté un morceau de morue séché et salé de 275 grammes. En le dessalant, je me retrouve avec un morceau de morue après cuisson de 175 grammes. Je ne comprends pas les 500 grammes de morue dessalé que vous indiquez. Je suis désolée pour ce dérangement. A bientôt.

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    • Bonjour Marion,
      Je suis étonnée, en principe, la morue se gorge d'eau et augmente de poids forcément… Après cuisson, le tout perd du poids forcément comme tout (il faut peser avant cuisson) mais cela me semble beaucoup.
      En tous cas, pour le proportions il suffit d'ajouter, comme indiqué, 1/4 environ d'huile par rapport au poids du poisson (pesé avant cuisson).
      Bonne fin de journée !

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  6. Baccalà et stoccafisso ils sont deux choses differente, meme si à Venise ils appellent “baccalà” le “stoccafisso”.
    Le “baccalà” est tres populaire partout le Sud-Italie

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    • Bonjour,
      Oui et c’est exactement ce que j’ai expliqué dans les détails au début du billet (deuxième paragraphe, cela vous a échappé ? 😉

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