
J’ai attendu que Pâques passe. C’était pour cette fête que nous allions le plus souvent chez elle. Pâques est lié à nonna Anna. Aujourd’hui j’avais envie de lui rendre hommage à travers ses recettes napolitaines : parmigiana, croquettes de pommes de terre, casatiello, struffoli, pizza frite…. J’ai perdu ma chère nonna, en février, le jour de mon anniversaire. Je vous ai souvent parlé d’elle à travers la cuisine et Naples même si ce qu’il reste va bien au-delà. Une des plus belles personnes qui ont traversé ma vie. Une femme magnifique, sage, joyeuse, d’un optimisme, d’une générosité et d’une bonté incroyables. À toute épreuve. Comme nombre de personnes de sa génération, sa vie a été une série de grands malheurs, d’enfance volée, de deuils, de maladies. Mais aussi remplie d’amour, de rires, de plaisirs simples. Elle donnait tout ce qu’elle avait (d’ailleurs il ne lui restait pas grand-chose) en terme d’argent, de temps, d’attention et d’affection. Un coeur immense où il y avait de la place pour tout le monde : six enfants, treize petits-enfants et treize arrière-petits enfants. Plus tous les conjoints. Elle aimait la vie, accueillait les autres, ne jugeait pas mais acceptait chacun. Elle était gourmande aussi et peu conventionnelle. Cette femme, que j’aime profondément, a été une leçon de vie : nous pouvons toujours donner aux autres, être résilient et heureux malgré tout. J’entend encore sa voix forte, je revois son envie de danser, de rire, de bouger… Il ne me reste que la mémoire pour l’honorer. Donc voilà je vous laisse avec une liste de souvenirs gourmands. Les recettes sont superbes et colorées comme elle. Régalez-vous en imaginant une nonna qui a envie de vous faire plaisir !

I. Recettes salées de la nonna
- Croquettes de pommes de terre au coeur de scamorza : elle les appellait panzerotti et nous les servait en début de repas, voire pendant la préparation des pâtes. Souvent dans la cuisine sur la grande table et la nappe à fleurs. Un peu en secret, juste pour ses petits enfants avant le repas officiel. Inutile de vous dire que nous adorions, que c’était une recette qui la représentait tellement. Généreuse, gourmande, informelle, qui cachait un coeur fondant. Et qu’après ça, à table… nous n’avions plus faim.

2. Casatiello : sa spécialité salée de Pâques. Nonna Anna le préparait la veille, le gardant dans un torchon à carreaux dans la cuisine et là aussi nous en offrait une petite tranche avant l’arrivée des autres. C’est aussi la brioche qu’elles nous donnait quand nous repartions pour Rome. Sa trace, son souvenir napolitain et rieur restait avec nous.

3. Pizza frite : un emblème de la cuisine napolitaine de rue peu connue ailleurs et un des piliers de mon enfance. Ma mère les avait découvertes chez nonna Anna justement. La grande experte de tout ce qui était frit. Je la revois encore aller chercher dans sa chambre sous son coussin la pâte dans un saladier et recouverte d’un torchon. Cette pâte si gonflée et fière. Elle arrachait des boules avec les mains puis formait des petites pizza qu’elle plongeaient dans l’huile. Je la revois encore dans la cuisine papotant à haut volume pour savoir si nous allions bien et si nous étions heureux. Ces montagnes de pizza (avec ou sans sauce tomates) commençaient à disparaître bien avant de passer à table (encore ! et oui).

4. Lasagnes napolitaines : elle les préparait qu’une fois par an (ma nonna avait plus d’affinité avec la friture qu’avec le four) à Carnaval. D’ailleurs on les appelle les lasagne imbottite di carnevale. Deux-mille couches de délice, une viande fondant qui avait des heures, la mozzarella de bufflone réalisée sur place… un plat qui se suffit à lui-même. Aussi festif qu’elle.

5. Soupe de lentilles et pâtes : ça c’est vraiment un souvenir d’enfance, de ceux du quotidien, des jours humbles d’hiver. Elle me la préparait quand elle nous gardait, mon frère et moi et nous mangions ensemble dans la cuisine (et pas dans la salle à manger). Etonnement, même petite, j’adorais ça. Le côté amidon de la terre des lentilles, ces pâtes réconfortantes, la touche de tomate (qu’elle mettait partout, le pommidoro). J’ai gardé cet amour pour les soupes italiennes de légumineuses avec les pâtes.

6. Spaghetti alla puttanesca ou en tous cas à la sauce tomate : son grande classique. La recette improvisée quand nous arrivions par surprise après trois heures de voiture. Elle avait toujours sous la main du coulis de tomate maison préparé par son amie Concetta qui le lui apportait. Et puis les olives de Gaeta. Voilà ma nonna du quotidien c’était les spaghetti à la sauce tomate. Toujours trop abondants et souvent aussi trop cuits quand nous étions 10 à table 😉

7. Linguine aux seiches : quand son ami le poissonnier était passé ou quand mon oncle Salvatore, grand passionné de la pêche, revenait chargé, ces pâtes apparaissaient. Et dans ses habitudes d’économie domestique d’après-guerre, elle nous servait les pâtes avec la sauce aux goût de seiches comme primo piatto (entrée) et les seiches seules comme secondo (plat de résistance). Deux en un. Ce mets, que j’aime énormément, est lié à son appartement avec le balcon qui donnait sur la mer où l’air est salé et moite.

8. Parmigiana di melanzane : son plat phare de l’été qu’elle cuisait d’ailleurs plutôt à l’étouffée dans une grande cocotte couverte. Cette mozzarella fondante, les aubergines frites. La parmigiana est un régal emblématique de cette cuisine si invitante et vivante.

9. Friture de petits poissons : je la revois dans l’embrasure de la porte, avec son tablier, cette odeur unique qui flotte dans l’air, ses mains farinées et ses cris de joie quand elle entendait que nous étions enfin arrivés ! Ces poissons je les ai découverts avec elle. Chaque fois que je les prépare, je ne peux m’empêcher de voir ces montagnes de petits poissons que l’on dévoraient tout entiers. Ils ont la saveur de son souvenir.

11. Scarole sautée aux olives : un plat d’hiver (oui avec une salade mais complètement transformée) ou de Noël. Des légumes comme j’aime qu’elle nous présentait comme si ce n’était rien du tout alors qu’ils faisaient toute la différence dans un repas.

12. Escalopes de porc panées : un peu comme avec les panzerotti, nonna Anna était la reine de ces escalopes panées. Les meilleurs jamais mangées. Préparées sur le pouce, avec ces gestes, toujours les mêmes depuis 60 ans. Son aisance m’a toujours fascinée. Et elles avaient un succès fou !

II. Recettes des dolci de nonna Anna
- Pigna dolce : la brioche de Pâques super parfumée. Le seul gâteau de Pâques qu’elle préparait. Ma nonna aimait la cuisine simple, intuitive, elle ne notait rien (et d’ailleurs pour elle la pastiera était trop élaborée). Cette brioche a trois particularités : le cédrat confit, le petit goût d’anis et ce glaçage ultra gourmand qui nous mettait en joie autant qu’elle (restée une vraie enfant dans son rapport avec le sucre). Elle nous en donnait aussi (vous savez les réserves de vivres 😉 quand nous rentrions à la maison. Notre brioche petit déjeuner de luxe en pensant à elle.

2. Struffoli : des mini beignets frits recouverts de miel et de petits sucres. Le souvenir le plus doux, les plus gai, celui qui fait pétiller les yeux des enfants. Un des rares desserts que ma nonna préparait à Noël (là aussi on sentait son affinité pour la friture et ce qui allait vite ;-). Enfants, nous transgressions un peu. Nous allions dans la cuisine et volions quelques struffoli (il y en avait une pyramide) et des confetti en cachette avant le repas. Nonna Anna nous voyait, souriait et encourageait notre enthousiasme. Et tant pis pour les adultes qui passaient après. De toute façon il avaient déjà trop mangé hi hi.

Et celles qui me rappellent quand j’étais chez elle
- Pastiera : préparée en plusieurs versions plutôt par mes tantes (qui rivalisaient) elles étaient présentées chez elle comme un hommage à la nonna qui les gouttait toutes. La pastiera c’est mes Pâques chez Anna. Deux éléments indissolubles pour toujours.

2. Sfogliatelle frolle : nous les achetions dans la pâtisserie tout près de chez elle pour le déguster dans la salle à manger remplie de souvenirs, de bibelots, de poupées en porcelaine. Découvertes aussi chez elle, enfant, j’adore ces chaussons de ricotta hyper parfumés.

3. Baba au rhum : c’était et ce sera pour toujours son dessert préféré. Même à plus de 90 ans, alors qu’elle mangeait très peu, ses yeux s’illuminaient quand nous lui rapportions les baba tout frais en direct de sa pâtisserie. Elle plongeait dedans avec un joie et un plaisir presque sensuels. Ma nonna est un baba (qui en napolitain est un superbe compliment).

Quel magnifique portrait de femme! A te lire, elle paraît encore vivante, ta nonna! Elle vous a laissé en héritage bien plus que des biens matériels : des valeurs fondamentales. On rêverait de pouvoir lire un livre intitulé “Le ricette di una nonna napoletana” et, qui sait, peut-être qu’un jour il sera publié? Merci du partage.
Pour aujourd’hui, ce sont les crocchette qui me tentent. Quel bonheur que ce billet napolitain!
Sentir les bonnes odeurs, imaginer la petite cuisine, partager la joyeuse humeur de votre nonna!
Et puis goûter ses plats réaliser avec le cœur si grand qu’elle ne peut refuser d’être …..aussi un tout petit peu
« notre nonna »
Merci de ce beau cadeau!
Quel magnifique hommage ! La cuisine est le lieu idéal pour faire vivre celles qu’on aime et qui nous ont inspirées… Merci d’être un peu pour nous cette inspiratrice !
oh quelle chance tu as eu d’avoir une si bonne grandmère, moi qui n’en ai eu aucune , je t’envie un petit peu . Toutes ces recettes sont bien tentantes . Merci
Tu m’as fiat repenser à ma nonna à moi, la nonna Lina, aux tablées immenses de fêtes avec ses 7 enfants et ses 15 petits-enfants et à sa piadina et ses crescioni alle erbette (en bonne romagnola) qu’on mangeait avec elle dans la cuisine avant le repas… elle disait qu’il n’y avait rien de meilleur que ces petites choses mangées au coin d’une table, un peu en cachette…
Alors merci, ça faisait longtemps que je n’avais pas pensé à elle!
Grazie per la condivisione.
Di cuore ti invio le mie condoglianze!
Queste sono più che ricette, sono un pezzo di cuore della tua vita.
Ancora grazie!🙏🏻💕
Hello Edda.
Quel joli hommage à la nonna au grand cœur.
Je souhaite à tout le monde d’en avoir eu une dans leur enfance.
Belle journée. Bises. Sab
Bonjour Edda et un grand merci. Ma grand mere a moi m’a donné le gout et l’envie, mais je l’ai su que plus tard dans ma vie. Depuis plus de 14 ans je tiens un restaurant de village reconversion bien-sur. J’en profite pour te dire merci et bravo, je m’inspire souvent de tes recettes qui sont a chaque fois précis et abouti. J ai aussi eu l’occasion d ‘acheter un des tes livres et lorsque je cherche une nouveauté je commence toujours pas ton site, alors j’en profite pour la premiere fois pour te dire grazie mille. Si le coeur temps dit voila ma page facebook : https://www.facebook.com/les.pot.iront
Merci beaucoup Thierry pour le message et tes compliments qui me touchent !
Oui bien sûr je vais aller voir, quelle belle activité.
Grazie mille
Merci d’avoir partagé ces souvenirs dans ce billet émouvant !
Quand je passais avec mes parents chez celle qui aurait pu être notre Nonna, elle se faisait appeler Mamie car elle vivait en France, et ne cuisinait pas. Alors j’apprécie le voyage dans le temps et la cuisine de ton billet.
Un magnifique éloge de votre nonna qui vous a rempli ventre mais surtout le cœur. Ses recettes et sa général vivront toujours en vous et votre blog est à son image.
Désolée faute de frappe le ventre et générosité à la place de général
Peinée pour toi. Elle doit te manquer, surtout avec les fêtes pascales qui font remonter les souvenirs. Grâce au partage de ses recettes, elle continuera à vivre et rendra heureux. Je pense que cela lui aurait plu…
Je ne sais pas par quelle recette commencer. Elles sont toutes tentantes. Sfogliatelle frolle, celle-là me fait de l’œil.
Merci !
Merci Sophie c’est adorable !
Tiens-moi au courant si tu testes
Ce que vous écrivez sur votre Nonna m’a profondément ému, d’autant plus que je constitue depuis quelques années un « Livre des recettes familiales » sur la base de ce que ma mère et mes grand-mères m’ont transmis et de leurs notes. Alors, merci de partager le souvenir et les recettes de votre Nonna dans votre excellentissime blogue ! Et, au passage, merci de nous faire régulièrement découvrir la richesse et la variété de l’inventive cuisine italienne à laquelle la civilisation gastronomique française doit tant, veramente !
« Vita [enim] mortuorum in memoria est posita vivorum. » [« La vie des morts consiste à survivre dans l’esprit des vivants.. »] (Cicéron, neuvième Philippique, 10, V)
Une pensée pour la Nonna… aujourd’hui et chaque fois que nous aurons une de ses belles recettes devant nous.
Mille merci Alain !
Merci d’avoir partagé tes souvenirs avec nous.
On ferme les yeux et on voyage …
on entend les rires des enfants, de bons parfums nous guident vers la cuisine.
Nous penserons aussi à elle quand nous cuisinerons ses recettes.